11 juillet 2022

Valentin

De l’errance diagnostique à l’errance scolaire

Valentin est né en 2008, en Haïti. Il arrive en France à l’âge de 26 mois après un parcours marqué par de nombreux traumatismes aux répercussions sévères et profondes que ses parents adoptifs vont, pour certaines, découvrir progressivement : passif d’abandon complexe, fortes carences nutritives, médicales, psychologiques, émotionnelles… Ses deux premières années en Haïti sont bercées par une succession de chocs, jusqu’au séisme si dévastateur en janvier 2010 que chacun garde en mémoire. 

Dès son arrivée en France, des otites chroniques conduisent Valentin chaque semaine chez le médecin ou à l’hôpital et sont l’annonce d’un parcours médical intensif et ô combien envahissant pour l’enfant déjà fragilisé. Au bout d’une année, un premier diagnostic s’impose : la surdité de Valentin, consécutive ou aggravée par l’insuffisance de soins en Haïti. A 4 ans, il est décidé de l’appareiller. Là encore, alors qu’il s’agit d’une opération maitrisée, tout va se révéler plus compliqué pour ce petit garçon dont la faiblesse immunitaire rend la prise en charge post-opératoire longue, chaotique et invasive. Comme si son corps déjà très éprouvé rejetait toute intrusion supplémentaire…

Parallèlement au suivi ORL, Valentin se soumet à un nombre incalculable de tests et autres examens pour tenter de comprendre son développement qui questionne : troubles du sommeil, anxiété, agitation motrice, troubles neurologiques, hypersensibilité … Tous les diagnostics ou presque seront prononcés : autisme, déficience intellectuelle, multi-dys, enfant précoce … La méconnaissance de l’histoire de Valentin tout petit contribue certainement à renforcer la difficulté de poser un diagnostic global. Comme s’il y avait un côté irrationnel dans son profil. En souriant, sa mère évoque le terme d’envoûtement … 

Mais ses parents vont s’armer contre le médical qui, selon eux, ballotte Valentin comme une « boule de billard ». Et finir par dire stop aux investigations médicales. Eux sont convaincus qu’il présente un profil complexe dans lequel on retrouve des traits plus ou moins prononcés et inconstants selon l’environnement, au carrefour de plusieurs diagnostics. La faiblesse de son système immunitaire, son histoire de vie ? Tout ce qui n’arrive jamais ou rarement chez les autres se produit tout le temps chez Valentin. Tout ce qui pourrait être simple se révèle compliqué. 

L’intervention du Centre de ressources Robert Laplane va alors mettre un terme à cette errance diagnostique et reconnaitre toute la complexité du profil de Valentin en le prenant en compte dans son ensemble, sans le morceler au gré des spécialités médicales ou paramédicales. Valentin est en situation de « handicap rare », notion à l’existence législative bien réelle mais insuffisamment connue par les professionnels encore trop souvent désemparés face à l’association rare et simultanée de déficits sensoriels, moteurs, cognitifs et/ou de troubles psychiques. 

Sur le plan scolaire, l’errance est aussi un marqueur du parcours de Valentin, lui qui, comme le rappelle sa mère, « coche toutes les cases ou aucune, selon le point de vue retenu ». Après un premier changement d’école au bout de 6 mois en petite section, Valentin va s’épanouir et rentrer dans les apprentissages, à son rythme, celui imposé par la découverte de la surdité, les maladies à répétition et la longue série d’hospitalisations et d’opérations qui s’en suivent. Plutôt observateur, il prend plaisir à être avec ses copains en classe où il bénéficie de la présence d’une AVS. Parallèlement, Valentin est suivi par un SAFEP pour une prise en charge éducative, orthophonique et psychologique. 

Avec la fermeture annoncée de son école, commence alors un nouveau combat pour ses parents qui peinent à trouver une autre école qui accepte de l’accueillir. Le passage en CP marque la fin du suivi par le SAFEP¹ qui passe le relais au SSEFIS² . La transition ne se passe pas bien : incompréhensions et désaccords s’expriment entre les professionnels eux-mêmes et avec les parents. Les problématiques émotionnelles de Valentin semblent insuffisamment prises en compte. Et après quelques mois au sein d’un groupe d’enfants qui ne lui correspond pas, car trop teinté de troubles du comportement, Valentin développe une véritable phobie de l’école. Sa mère, elle-même enseignante, décide alors d’interrompre son activité et de lui faire l’école à la maison. Cette décision intervient dans un moment de perdition pour les parents : les établissements pour enfants sourds ne veulent pas de leur enfant, l’école non plus…

Grâce à l’intervention du Centre de ressources Robert Laplane qui parvient à mieux comprendre le profil de Valentin et à ajuster ses besoins en termes de prise en charge et d’orientation, un retour à l’école va pouvoir se faire. Sauf que l’environnement ne lui correspond toujours pas. Angoisse, dépression, fatigabilité, troubles du comportements : autant de symptômes révélateurs de l’insécurité dans laquelle se trouve Valentin. 

Aujourd’hui, à 13 ans, après un confinement qualifié de « salutaire » par sa mère, Valentin n’est pas sans solution mais doit faire face à un emploi du temps où aucune journée ne se ressemble, jonglant entre la maison, le SSEFIS, les suivis paramédicaux en libéral et un IME qui l’accueille 2 demi-journées par semaine dans l’attente qu’une place se libère. Au prix d’une disponibilité de tous les instants pour sa mère qui a dû renoncer à son métier d’enseignante.

Au vu de tous ces chaos, une perspective d’apaisement est plus que souhaitable pour Valentin en quête d’un environnement simple, bienveillant où il se sente sécurisé pour pouvoir, comme tous les jeunes de son âge, avoir des copains. 

A son niveau, sa mère reconnait que l’apaisement dans le parcours de son fils est venu des interventions du Centre de ressources Robert Laplane qui reste, aujourd’hui encore, « un soutien inconditionnel et un tremplin pour avancer ». Elle encourage les familles à solliciter l’équipe pour y trouver une écoute, un accueil et une compréhension dans les moments de perdition, sans pour autant tout en attendre. Car face au manque cruel de structures et aux dysfonctionnements institutionnels qu’elle a pu observer tant du côté de l’Education nationale que du champ médico-social, elle reconnait que personne ne détient de baguette magique.

 1 : Service d’accompagnement familial et d’éducation précoce pour les jeunes enfants sourds et leurs parents.

 2 : Service de soutien à l’éducation familiale et à la scolarisation/inclusion scolaire des enfants sourds.

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