Récit des origines du Centre de ressources Robert Laplane par Monique Dumoulin

A l’occasion des 20 ans du Centre de Ressources Robert Laplane, le 14 décembre 2018, Monique Dumoulin a retracé l’histoire de ces pionniers qui ont collaboré avec elle à la construction d’une réponse en faveur de jeunes en situation de handicap rare. En tant que médecin, elle a porté le projet puis dirigé le Centre Robert Laplane. Voici son témoignage…  

Les centres de ressources pour le handicap rare sont l’aboutissement d’une histoire collective de près de 30 ans, marquée par le combat incessant d’un certain nombre de parents réunis en associations, (associations fédérées par le CLAPEAHA [1] , dont le président était Henri Faivre (je salue ici sa mémoire), et de la volonté d’une poignée de professionnels dont j’ai fait très tôt partie. Tous se rencontraient et réfléchissaient ensemble depuis de nombreuses années au sein des différentes instances organisées par Henri Faivre. 

Mon parcours professionnel s’est inscrit très tôt dans cette histoire et c’est à partir de ce parcours que je vais donner quelques jalons de cette histoire.

I.   Le commencement

Ce commencement remonte pour moi à la fin des années 70. Je fus alors sollicitée par la directrice de l’un des tout premiers CAMSP parisiens, le « Centre d’Assistance Educative du Tout-Petit », rue du Colonel Rozanoff, dans le 12e, géré par l’Entraide Universitaire.

En 1978, la directrice de ce CAMPS, Mme Jeanine Lévy m’a appelée sur les conseils de l’un de mes confrères parisiens, le Docteur L. Moatti, avec lequel je travaillais dans un CAMPS parisien spécifique pour enfants sourds. Elle m’a demandé si j’accepterais de créer une section pour tout-petits enfants sourds-aveugles rubéoliques et, parallèlement, si j’accepterais de participer activement, sous l’égide de l’Entraide Universitaire, au projet de création d’un centre national pour enfants et adolescents sourds-aveugles en vallée de Chevreuse. 

Dominique Spriet qui avait déjà acquis une expérience dans le domaine de la surdi-cécité fut engagée à cet effet, très peu de temps après moi. 

Toutes les deux, entourées d’une petite équipe particulièrement motivée, nous avons passé 4 ans à travailler auprès de ces très jeunes enfants au CAMSP et à développer un programme pour tout-petits. Parallèlement, nous avons participé activement à création et à la mise en route de l’établissement pour enfants et adolescents de Chevreuse. Celui-ci a ouvert ses portes en 1982 et Dominique Spriet fut embauchée à temps plein, moi à mi-temps car il était difficile que nous quittions toutes les deux le CAMSP et ce que nous y avions mis en place. Par ailleurs, j’avais une activité hospitalière à l’hôpital Trousseau, en audiophonologie. Je ne voulais pas la quitter.

Que ce soit au Centre du Tout Petit à Paris, ou que ce soit à Chevreuse, tout était à élaborer et à construire et il nous fallait tout à la fois travailler auprès des enfants et leurs familles, enrichir nos propres connaissances et former les équipes. 

Pour chaque enfant, même pour les bébés, il fallait rechercher la ou les voies spécifiques sur lesquelles celui-ci prenait appui pour interagir avec son environnement et nous servir de ces voies pour entrer en communication, avec lui et l’accompagner dans la découverte du monde extérieur. 

Nous avons beaucoup puisé dans l’expérience de certaines équipes étrangères, expérience qui était souvent solide du fait des grandes pandémies de rubéole que ces pays avaient eu à subir et qui avaient entrainé de nombreuses situations de handicap. 

Dans les deux cas, nous avons établi des collaborations, souvent très riches avec les familles de ces enfants. Familles et professionnels, nous avons beaucoup appris les uns des autres. (Barbara, Piotr et Magda).

C’est à Chevreuse que nous avons fait connaissance avec Elisabeth Lasserre dont c’était le premier emploi. Ce fut le point de départ d’un cheminement ensemble qui nous a menées au Centre de ressources où cette dernière a encore aujourd’hui une part très active.

C’est très rapidement que nous avons été amenés à rencontrer et à travailler avec Henri Faivre et à bénéficier des réunions de travail qu’il organisait avec les autres équipes françaises concernées par les personnes sourdes aveugles, réunions au cours desquelles nous partagions nos différentes expériences et nos connaissances. 

C’est pendant cette période que fut créée l’ANPSA, aujourd’hui présidée par Dominique Spriet. Puis en 1983, Form-ANPSA, en partenariat avec le centre de formation pour enseignants spécialisés de l’Education Nationale à Suresnes. Personnellement, j’ai beaucoup œuvré à cette formation que j’ai contribué à mettre en route et que j’ai dirigée pendant quelques années. 

II.  Le centre pour enfants plurihandicapés

En parallèle, je faisais toujours partie de l’équipe d’audiophonologie du service ORL de l’hôpital Trousseau. Dans le cadre de ces fonctions, j’étais amenée à examiner toutes sortes de catégories d’enfants sourds, enfants apparemment seulement sourds dont l’évolution linguistique était pourtant très préoccupante ou enfants présentant des handicaps associés patents et dont, manifestement, très peu bénéficiaient d’une solution de prise en charge satisfaisante. 

C’est précisément à cette époque que le Professeur Robert Laplane, Neuropédiatre, membre de l’Académie de Médecine et qui avait longtemps dirigé le service de neuropédiatrie de l’hôpital Trousseau, service alors encore très réputé, vint me trouver, au nom de la Ligue Fraternelle des Enfants de France qui gérait un CAMSP pour jeunes enfants déficients auditifs dans le 13e. L’activité de ce CAMPS était jugée insuffisante par les services médicosociaux de Paris et d’Ile-de-France qui demandaient instamment à la Ligue de la transformer. 

M. Laplane me demanda si, sur la base de mon activité hospitalière et/ou médicosociale, j’avais connaissance de certains besoins spécifiques dans le domaine de la surdité et du langage et si, dans l’affirmative, j’accepterais d’aider son association à mettre sur pied et à développer un projet innovant. Pouvaient m’aider à mettre en forme un projet, Claire Hamon, la directrice du CAMSP, et surtout Martine Frischmann, psychologue de ce CAMSP, que la Ligue missionnerait à cet effet. 

J’ai évidemment tout de suite pensé aux différents enfants que je voyais en consultation dans le service ainsi qu’à certains des enfants que je suivais au CAMSP de la rue Rozanoff et qui avaient d’autres handicaps que celui de la surdi-cécité. Ces enfants allaient se trouver sans solution de prise en charge au sortir du CAMPS.

Je me suis dit que c’était l’occasion ou jamais de faire quelque-chose pour eux ! 

Après m’avoir laissé un court délai de réflexion, M. Laplane est revenu me voir dans notre sous-sol de Trousseau et j’acceptais ce nouveau défi. C’était en décembre 1984.  

Martine et moi, nous nous mimes à l’œuvre dès janvier 1985 pour l’écriture d’un projet et, après avoir effectué toutes les démarches administratives nécessaires, la Ligue a pu ouvrir son nouveau centre en septembre 1987, me confiant le soin de former une équipe et de diriger l’établissement. 

Ce centre agréé pour des enfants de 4 à 14 ans de toute l’Ile-de-France, était destiné à l’accueil « d’enfants présentant plusieurs handicaps neurosensoriels concomitants, comportant nécessairement soit une surdité périphérique ou centrale soit un trouble majeur du langage d’origine centrale générant des troubles sévères de la communication et des apprentissages ». 

J’ai donc dirigé ce centre jusqu’à l’ouverture du centre de ressources qui eut lieu 10 ans plus tard. 

Les personnes qui avaient accepté de travailler dans ce nouveau centre se sentirent toutes particulièrement concernées. Certaines y travaillent encore aujourd’hui. Quelques-unes ont rejoint le centre de ressources.

Pendant ces 10 années, nous n’avons cessé de réfléchir en équipe autour des besoins de ces enfants. Tout en les accueillant et tout travaillant quotidiennement auprès d’eux, nous avons toujours cherché pour chacun à comprendre les dysfonctionnements physiologiques qui étaient en jeu en amont de sa déficience auditive, pouvant expliquer l’intensité des troubles linguistiques et/ou psychologiques qu’il donnait à voir. De même nous recherchions chez chacun sur quelle(s) voie(s) spécifique(s) il semblait s’appuyer pour communiquer avec autrui, entrer dans les apprentissages et se développer tant sur le plan social qu’intellectuel. 

Ici encore, une collaboration étroite avec les familles avec lesquelles nous cheminions s’est peu à peu instaurée. L’enrichissement mutuel était incontestable. Les familles nous apportaient une connaissance de leur enfant que nous n’avions pas toujours. De notre côté, nous leur apportions non seulement une oreille attentive, si nécessaire, mais aussi toutes les informations en notre possession susceptibles de leur permettre d’une part de mieux appréhender la problématique médicale, développementale, psychologique et/ou scolaire de leur enfant, ensuite de comprendre les particularités de son évolution. Nous partagions avec eux la démarche de travail qui nous semblait la plus adaptée aux difficultés spécifiques de leurs enfants. Nous leur proposions bien sûr aussi une aide plus technique concernant les moyens de communication dont leur enfant se saisissait le plus facilement.

Durand toutes ces années, la Ligue nous a apporté un soutien et une confiance qui n’ont jamais failli. Je veux évoquer, en particulier, ici, le souvenir M. Jean Morin, de Mme Aline Baillou et, bien sûr, celui de M. Robert Laplane qui ne sont plus. Le professeur Laplane est parti le premier (en 1996). Je veux leur témoigner ici toute ma reconnaissance. 

III.  La consultation « ressource » créée en marge de l’activité du centre pour enfants

Après avoir ouvert l’établissement, nous avons fait le plein d’enfants en une année environ. Nous les avons accueillis jeunes. C’est ainsi que, pendant plusieurs années, la population reçue ne s’est pas renouvelée. Nous avions un agrément pour un nombre limité d’enfants et, pendant les 6 ou 7 premières années, nous n’avons quasiment pas pu faire d’admission bien que nous ayons reçu l’autorisation de prendre quelques enfants en surnombre. Nous étions pourtant très sollicités par les équipes extérieures.

C’est ainsi que parallèlement à mon travail de direction, je me suis mise peu à peu à recevoir pour conseils des enfants de l’extérieur, enfants sourds atypiques pour lesquels mes collègues médecins ou bien les directeurs des établissements pour jeunes sourds de l’époque me demandaient de plus en plus souvent de l’aide puisque nous ne pouvions pas les accueillir faute de place. 

A cette époque, nous échangions beaucoup entre médecins des établissements parisiens ou d’Ile-de-France, de même entre directeurs. A l’échelon parisien, la DDASS nous réunissait fréquemment pour débattre des différentes problématiques d’enfants et nous avons appris à nous connaître (c’est ainsi que j’ai d’abord connu Agnès Vourc’h qui faisait partie de ceux qui nous adressaient des enfants pour des conseils).

Les demandes sont devenues tellement nombreuses que je n’assumais plus. J’avais fini par en parler à M. Morin qui, comprenant la situation, m’avait proposé de financer une consultation hebdomadaire pour le Docteur Michèle Mazeau que beaucoup ici connaissent et dont la compétence en neuropsychologie n’était déjà plus à démontrer (à l’époque, il s’agissait, en France, d’une discipline essentiellement médicale). Le bureau de la Ligue a accepté et a financé une vacation de médecin pendant quelques années. 

Pendant ces années, nous avons travaillé et partagé ensemble jusqu’à ce qu’elle soit obligée de nous quitter pour raison de santé. 

La démarche clinique de Michèle Mazeau consistait non seulement à analyser les troubles et les dysfonctionnements manifestés par un enfant et à essayer d’en comprendre les mécanismes en amont. Elle consistait aussi à mettre en évidence les points d’appui que l’enfant utilisait afin de résoudre les différentes tâches qu’elle lui proposait. Comme je l’ai déjà souligné précédemment, c’est évidemment à partir de ses points d’appuis qu’un enfant peut progresser. A partir de là, nous proposions les grandes orientations de ce qu’il nous semblait devoir être celles qui pouvaient guider tant le travail de rééducation que le travail pédagogique et éducatif dans l’établissement où il se trouvait. 

Ces examens et les propositions qui en découlaient donnaient lieu ensuite à des entretiens assez longs avec le ou les parents et avec le professionnel qui les accompagnait. Cet entretien était suivi d’un écrit à destination de la famille bien sûr, mais aussi de toutes les personnes qui travaillaient auprès de l’enfant.

La philosophie de démarche de Michèle Mazeau rejoignait pleinement la nôtre. C’est cette démarche diagnostique qui ensuite a servi de modèle pour le travail auprès des enfants que nous avons rencontrés dans le cadre de l’activité du centre de ressources. 

Ce temps de consultation, en marge de l’activité officielle du centre pour enfants, bien que rendant un service considérable en région Ile-de-France, s’est rapidement révélé insuffisant par rapport à l’ampleur de la demande émanant des équipes, demande de diagnostic fonctionnel pour les enfants qui les préoccupaient, demande de formation par rapport à la démarche diagnostique, demande de formation concernant le type de démarches rééducatives et pédagogiques susceptibles d’être utilisées, etc. 

En 1996, j’étais en train de réfléchir avec M. Morin à un projet d’élargissement quand nous avons reçu de M. Faivre, au nom du CLAPEAHA, une invitation à participer au groupe de travail ministériel sur le handicap rare qui devait débuter en mai de cette année-là …  

A noter que depuis mon départ de l’établissement de Chevreuse et l’ouverture du centre pour enfants, les contacts avec Henri Faivre et le CLAPEAHA étaient devenus moins fréquents qu’autrefois du fait que nous ne travaillions plus aussi directement auprès des enfants sourds aveugles et que la Ligue n’avait jamais pensé rejoindre ce Comité de Liaison, n’étant pas une association de parents. Pour autant, les contacts n’étaient pas rompus. Henri Faivre suivait avec intérêt ce que nous faisions au centre pour enfants et m’invitait parfois au CLAPEAHA. J’avais aussi participé à sa demande à quelques réunions du groupe de travail organisé par l’IGAS [2] en 1994 concernant les personnes présentant des handicaps associés, notamment les réunions où il y eut une première tentative de définition du handicap rare. 

IV. Le groupe de travail du Ministère de la Solidarité et du Travail

Ce groupe de travail, présidé par Jean-François Bauduret fut organisé à la demande de M. Faivre et des associations de familles. Plusieurs des directeurs d’établissements médicosociaux ou sanitaires (je pense ici aux hôpitaux de jour) qui recevaient des personnes présentant une déficience sensorielle et un autre handicap, avaient été conviés à participer au groupe de travail qui eut lieu au Ministère de la Solidarité et du Travail et dont Jean-François Bauduret fut l’animateur.

Trois d’entre nous participèrent de manière active à ce groupe de travail : Marcel Wattel de la Pépinière à Loos, Jacques Souriau du Centre pour enfants sourds-aveugles de Larnay et moi-même. Nous en fûmes même des maillons essentiels.

Tous trois, nous avions souvent eu l’occasion de nous rencontrer et nous nous connaissions. Nous avions en commun d’avoir encore une action de terrain malgré nos responsabilités de direction et d’avoir développé une activité « ressource » en marge de l’activité « officielle » de nos établissements, activité ressource dont nous étions, par la force des choses, les acteurs essentiels. 

Si ce sont M. Faivre et le CLAPEAHA qui ont réintroduit le concept de handicap rare dans le travail du groupe, ce sont nous, les trois directeurs, qui avons introduit et fait adopter le concept de « centre de ressources ». 

Ce concept a séduit. A noter qu’il a été repris ensuite dans de nombreux champs de l’activité médicale et médicosociale et qu’il reste aujourd’hui encore pertinent.

 Au terme de plusieurs réunions et à la suite d’un rapport dont nous fumes, avec Henri Faivre, les principaux auteurs, il a été décidé que plutôt que de créer deux ou trois nouveaux établissements à statut national, ce qui aurait impliqué une séparation des personnes handicapées de leurs familles, trois centres de ressources nationaux seraient créés, à titre expérimental pour 5 ans, afin d’accompagner au plus près les différents acteurs de terrain. (« Aller vers » et non « faire venir »).

L’objectif était de comprendre la spécificité de chaque situation, de détricoter la complexité des facteurs handicapants, en particulier ceux qui constituaient une limitation à la communication et au langage et, bien sûr, de rechercher et trouver chez chaque personne les voies pouvant lui permettre l’accès à un code linguistique, de lui proposer le code pouvant être adopté et de le proposer à sa famille et aux professionnels qui travaillaient autour d’elle.

Il fut demandé à chacun d’entre nous, directeurs, de faire un écrit destiné à exposer l’action menée dans nos établissements et destiné à exposer les grandes lignes de ce que pourrait être l’activité d’un centre de ressources pour la catégorie de personnes handicapées que, chacun, nous suivions.   

Ces projets reçurent un écho favorable auprès des personnes qui avaient présidé le groupe de travail. Au terme de quoi il fut décidé que la création de ces centres serait confiée aux trois directeurs en question et que la gestion en serait confiée à leurs associations.

Concernant la création de notre centre, Jean Morin, Président, et le Bureau de la Ligue donnèrent leur accord. M. Morin et Mme Baillou furent ensuite, une fois encore pour moi, d’un soutien dont je leur en sais gré aujourd’hui encore.

Au terme d’une année de travail intensif des trois directeurs qui se rencontraient régulièrement dans les locaux du ministère où Jean-François Bauduret mettait à notre disposition une salle, travail jalonné par des démarches administratives de toutes sortes (il fallait en particulier obtenir l’accord du CNOSS, Comité National de l’Organisation Sanitaire et Sociale, ainsi que les différents agréments ministériels nécessaires à la création d’une nouvelle structure nationale), nous avons eu l’autorisation d’ouvrir.

Nous pouvions commencer à fonctionner à partir de mars 1998. 

Le centre Robert Laplane a officiellement ouvert ses portes en septembre 1998.

V. Le Centre de Ressources Robert Laplane

Quelques mots seulement, dans les interventions suivantes, il sera largement question de son action.

Pourquoi le nom de Robert Laplane ? 

Pour plusieurs raisons : Comme je l’ai évoqué précédemment, le Professeur Robert Laplane avait occupé un rôle important auprès de nous, au nom de la Ligue, pendant les premières années du centre pour enfants. Il nous rendait souvent visite, s’intéressait à ce que nous mettions en place et je pouvais partager avec lui le questionnement que j’avais parfois au sujet de cas d’enfants. Il était lié de longue date à la Ligue (il avait notamment été compagnon de résistance de Mme Baillou et de M. Morin). 

M. Laplane nous avait quittés en 1996 après beaucoup de souffrances. Cela nous a paru normal de donner son nom au centre de ressources. M. Morin et Mme Baillou le souhaitaient ardemment et je ne pouvais que souscrire à cette idée. 

Quelle était la situation au départ ?

Si grâce à l’action ressources que nous menions déjà avec Michèle Mazeau en marge de l’activité du centre pour enfants, nous avions tissé suffisamment de liens pour qu’il y ait déjà un solide maillage autour des problématiques posées sur le plan linguistique, cognitif et psychologique aux enfants sourds plurihandicapés en Ile-de-France. Sur le plan national, tout restait à construire. Ce fut une lente et patiente construction. Il fallait tricoter les mailles une à une… structure par structure, région par région. Certaines idées reçues étaient très fortes et les modèles de pensée et d’action très ancrés. 

Pour commencer à fonctionner, nous avons pour cela élaboré et mis en place un certain nombre de stratégies de fonctionnement.  

Par exemple, une certaine utilisation du téléphone car pendant presque une année nous n’avons pu fonctionner qu’à 4 personnes. Dans cette perspective, nous avons élaboré avec Martine Frischmann toute une démarche dont elle a pris la responsabilité et qui a été fondamentale pour se faire connaître et développer l’action au-delà de l’Ile-de-France.  

Quelle était la philosophie de l’action à l’ouverture du centre ?

Aller au plus près des familles et des professionnels qui travaillaient avec des enfants et des jeunes auprès desquels nous étions missionnés (il n’était pas question encore des adultes). Donc nous déplacer autant que nous le pouvions puis maintenir le lien au téléphone.

Pour dans chaque cas :

  • Mettre en œuvre la démarche diagnostique introduite quelques années auparavant par Michèle Mazeau et que nous affinions peu à peu. Faire participer le maximum de personnes sur le terrain à cette démarche en l’objectivant pour chaque enfant et chaque type de trouble, ne perdant jamais de vue que le noyau dur de notre action était de permettre à chaque enfant d’accéder à un moyen linguistique et à la conceptualisation en vue de communiquer avec son entourage et d’élargir au maximum sa compréhension du monde extérieur et son champ de connaissances.
  • Orienter le travail de l’équipe auprès du jeune, ce qui impliquait souvent de réviser le projet individuel initial et d’accompagner les orientations nouvelles.
  • Former les équipes à partir de ces situations, d’où la nécessité de se déplacer sur le terrain. 
  • Impliquer les médecins d’établissement dans la démarche diagnostique et les amener à s’en saisir eux-mêmes.
  • Impliquer aussi les directeurs d’établissement, sans l’aval desquels aucun changement véritable ne pouvait avoir lieu.

  • Ne jamais se déplacer pour la première fois dans un établissement sans que nous ayons expliqué la démarche au directeur et cherché à l’intégrer à cette démarche.

J’ai très vite senti l’enjeu et j’ai très tôt organisé des réunions de travail où nous abordions divers sujets depuis les problématiques développementales, linguistiques, cognitives, psychologiques, sociales posées par certaines configurations de handicap jusqu’aux problématiques institutionnelles dont certaines étaient à revoir… 

VI.  Conclusion

Aujourd’hui, le centre de ressources fête ses 20 ans. Et voilà 10 ans que je ne chemine plus avec vous. Je l’ai profondément regretté et je remercie Claire Davalo d’avoir repris contact avec moi.

Pendant 9 ans encore, j’ai œuvré sur le terrain avec l’équipe d’un établissement pour Jeunes Sourds de la région « Centre ». J’ai continué à mettre en œuvre cette démarche qui fut la nôtre pendant tant d’années, tant pour comprendre les problématiques handicapantes des enfants accueillis que pour aider les équipes à trouver pour chacun d’eux les réponses les plus adaptées possibles. 

Depuis le début de ma vie professionnelle en 1972 jusqu’à ce jour, je n’ai cessé d’être questionnée par tous ces parcours d’enfants et de continuer à apprendre à la fois d’eux et des professionnels avec lesquels je travaillais.

Je souhaite au centre de ressources d’aujourd’hui de ne pas cesser de se questionner et de continuer à chercher et à se former pour toujours mieux comprendre.

Monique Dumoulin


[1] CLAPEAHA : Comité de liaison et d’action des parents d’enfants et d’adultes atteints de handicaps associés

[2] IGAS : Inspection générale des affaires sociales

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